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Publié par Delphine E. Fouda

Modeste Mba Talla* in Mutations,18/06/2008.Face à un certain attentisme du côté camerounais et la guéguerre de succession à Yaoundé autour de l’après Biya, des changements de priorités dans l’armée camerounaise s’imposent.

Il y a eu, depuis 1993, la longue guerre d’usure entre le Nigeria et le Cameroun dans la péninsule de Bakassi. Une guerre qui a été sanctionnée par l’arrêt pris le 10 octobre 2002 par la Cour Internationale de Justice (CIJ) en faveur du Cameroun. Depuis lors, le Cameroun tarde à mettre sur pied un véritable plan de présence effective sur les zones frontalières dont la région de Bakassi dans le Sud- Ouest de son territoire.
Les 5, 7, 18 et 21 juin 2005, on annonce "des incidents regrettables survenus dans la péninsule de Bakassi, en territoire camerounais, suite à des attaques répétées des forces nigérianes sur les positions camerounaises."

Le 12 novembre 2007, on parle des hommes lourdement armés en cagoules vraisemblablement des sécessionnistes du Delta du Niger qui, embarqués à bord de sept vedettes fluviales rapides, ouvrent le feu à la mitrailleuse sur le poste C3 de la base militaire camerounaise, le groupement opérationnel installé dans un petit village d’Isanguele, non loin du Rio del Rey. 21 vaillants soldats camerounais sont sauvagement assassinés. Il faut noter que les sécessionnistes du Delta du Nigeria ont toujours niés être les auteurs de cette attaque. Mais du côté camerounais, de forts soupçons ont toujours pesé sur certains éléments des forces armées camerounaises qui auraient commandité ce carnage. Ce soupçon est d’autant plus renforcé par le fait que l’enquête diligentée par le chef de l’État n’a jamais été publiée, faisant passer ces 21 soldats tombés sur le champ d’honneur comme une simple perte.

Le 09 juin 2008, une fois de plus sur la même presqu‘île, on annonce que des hommes armés non identifiés naviguant à bord d’une embarcation ont pris pour cible une pirogue à moteur transportant des officiels civils et 9 militaires camerounais partis de la localité d’Akwa, chef-lieu de l’arrondissement de Kombo Abedimo. Au cours de cette attaque éclair, le sous-préfet de Kombo Abedimo, Fonya Felix Morfan, a été pris en otage par les assaillants sur le fleuve Akwayafe. En plus du sous-préfet de Kombo Abedimo porté disparu, six autres militaires camerounais manquent à l’appel suite à cette attaque. Outre les attaques qui visaient des soldats camerounais, on signale aussi des actes de pirateries de même nature qui ont été observées dans les zones camerounaises et nigérianes du Delta du Niger, les 8, 9 et ce matin 10 juin 2008. D’ailleurs dans la nuit du samedi à dimanche dernier, 8 juin 2008, un bateau de pêche camerounais appartenant à la compagnie PGT basée à Douala, a été attaqué par des individus non identifiés apparemment des pirates.

Décidément, la presqu’île de Bakassi serait devenue le ventre mou du Cameroun. En tant que ventre mou, le gouvernement camerounais devrait prendre très au sérieux ces attaques à répétition. Si elles deviennent monnaie courante, c’est parce que ces forces obscures ont testé la capacité camerounaise à agir et à riposter. Face à un certain attentisme du côté camerounais et la guéguerre de succession à Yaoundé autour de l’après Biya, des changements de priorités dans l’armée camerounaise s’imposent. Au ministère de la défense, où la priorité semble plutôt être à la répression des citoyens camerounais qui sont contre le changement constitutionnel, on assiste, pantois, à une incapacité militaire à s’organiser de façon à parer à ces attaques à l’avenir. Il est fort à craindre que la contagion puisse se développer et entamer la stabilité déjà fragile des autres frontières camerounaises. Si cela devrait se produire, alors la souveraineté camerounaise, du fait des nombreuses négligences des autorités de Yaoundé et du renforcement de la garde rapprochéed’un seul homme _ le chef de l’État ne tiendra plus qu’à un fil.

Qui ne se souvient plus de la longue entrevue du président Paul Biya à la chaîne de télévision française " France 24 " un certain 30 octobre 2007, à l’occasion de laquelle, répondant à la question portant sur son éventuelle candidature à l`élection présidentielle de 2011 rendue impossible par la constitution de 1996 qui limitait à deux septennats le nombre de mandat? M. Biya avait alors indiqué que les élections de 2011 sont certaines mais lointaines. Et d’argumenter qu’il y a d’autres priorités de l`heure plus urgentes à savoir la lutte contre le Sida, la pauvreté, la corruption, l’assainissement de l’administration publique, le redressement économique sans oublier le renforcement de la présence de l’État sur tout le territoire.

Bakassi : Une négligence qui coûte cher!
Paul Biya, son gouvernement et son parti politique (le Rdpc) semblent avoir renvoyé aux calendes grecques le dossier Bakassi pour ne privilégier que celui de la modification de la constitution qui, trois mois plutôt n’était pas à l‘ordre du jour. L’arrêt le 10 octobre 2002 par la CIJ en faveur du Cameroun serait-il alors devenu une victoire pour rien? Paul Biya et son équipe ne savent-ils quoi plus faire de cette victoire. Bakassi est-il devenu le qui perd gagne? Au moment où toutes les énergies sont investies à Yaoundé pour que Paul Biya demeure président pendant les prochains “Cent ans” comme le réclame chaque jour les militants de son parti, le Rdpc. Il est plus que temps que les autorités camerounaises, surtout ceux en charge des problèmes de défense prennent pour une fois et à bras le corps le problème des frontières; ceci afin de consolider et de réaffirmer la souveraineté du Cameroun si l’on ne veut pas que nos zones frontalières deviennent des sortes des vases communicants de l’insécurité, des sanctuaires à partir desquels des attaques pourraient être menées contre des pays voisins et le Cameroun. Le pouvoir de Yaoundé ont tout intérêt à éviter que cette région de Bakassi, qui n’est plus déjà contrôlable du côté nigérian par les autorités nigérianes, ne devienne définitivement le ventre mou du Cameroun. Le prix à payer pour une autre négligence, serait énorme. Le président Nigeria Umar Yar’Adua en visite en France affirmait encore jeudi 12 juin sur le perron de l’Élysée, l’incapacité et l’impuissance des forces de défense nigérianes à faire face aux nombreuses attaques et acte de piraterie dans la région du Delta du Niger. Ce constat d’échec frappant venant du chef de l’État voisin du Cameroun devrait plus que jamais sonner la sonnette d’alarme à Yaoundé.

Paul Biya et la question du patriotisme?
Et même, à quand la visite de Paul Biya, le commandant en chef des forces armées camerounaises aux soldats camerounais à Bakassi? Est-il si peu patriote? Ne considère t-il pas à sa juste valeur le travail des forces armées camerounaises et le courage des militaires tombés au front? Le considère-t-il seulement lorsqu’elles tirent et abattent dans les rues des jeunes camerounais qui réclament le pain, la liberté, la démocratie et la justice, comme ce fut en février dernier? Ou encore, pourquoi ne peut-il pas prendre l’exemple des grands patriotes que sont le président américain George Bush ou l’ancien premier ministre britannique Tony Blair qui se sont rendus à plusieurs reprises sur le terrain des opérations (en Irak et en Afghanistan) encourager leurs troupes au nom des intérêts de leurs pays?. Le président Paul Biya ne devrait-il pas pour une fois s’inspirer de l’exemple de ses pairs? À quand la fin de son absentéisme légendaire ainsi que de sa sempiternelle indolence qui sont au centre de sa fameuse théorie du laissez pourrir, sorte de chaos dégénératif, devenue sa marque de gouvernance ? A vous de juger!

*Journaliste et Enseignant- Chercheur en polémologie.

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