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Publié par Bernard Ndjemba Nyate *

Bibi Ngotta, Tu  meurs comme tu as grandi, dans l’illusion de la sincérité du régime qui a tout promis à la jeunesse de ton pays. Pour avoir fait tes humanités a l’apogée d’un discours d’un Renouveau dont l’histoire ne retiendra que la logorrhée, loin des actes, loin de la vérité et loin des scrupules du qu’en dira-t-on.

Bibi Ngotta, tu paies le prix de ta foi en l’avènement de la société annoncée dans le discours aérien du Renouveau. Un discours menteur.

Tu meurs comme nous avons grandi, dans l’espoir de voir le discours du Renouveau devenir réalité, en doutant fermement pendant longtemps que le président Biya puisse être réellement au courant des actes de ses collaborateurs.

Bibi Ngotta, tu perds la vie pour avoir cru que des hommes du régime comme Amadou Ali ou Laurent Esso pouvaient s’inquiéter de ce que tu es journaliste, ou encore ta proximité familiale à risques  avec le Prince,  parce que tu risquais de mettre leur système de corruption à nu. Tu as sans doute cru que la vérité pesait au Royaume du Renouveau, plus que les affinités de cercles occultes, qui défendent d’abord leur survie, sans considération aucune pour la décence, la Loi, la morale, le Peuple ou la vérité.

Tu meurs, à l’instar de beaucoup de jeunes Camerounais, qui ont souvent cru qu’il fallait aider le président Biya a lutter contre les ennemis de la liberté et de la démocratie cachés dans son entourage. Rires !

La dureté du régime à ton endroit, le manque d’intervention du Prince en ta faveur, malgré tout le vacarme, ont du t’enlever bien des illusions, face aux monstres du régime dont les intérêts financiers et les techniques étaient en jeu dans les documents en ta possession.

Tu meurs, torturé,  comme en étant  dubitatif de ce qui t’arrive, étonné sans doute du fossé qui sépare le discours présidentiel des actes posés sous sa responsabilité depuis 30 ans. Tu ignorais sans doute que le régime se moque bien des jérémiades de ceux qui croient que la mise a nu des pratiques criminelles de quelques notables puisse procurer une quelconque immunité aux combattants de la vérité ou au Patriote; tant le patriotisme prend ici pour définition la trahison des intérêts de la majorité au profit de la suprématie du régime sur les lois, l’éthique républicaine et le respect de la vérité. Le régime s’en balance, de la vérité !

Tu meurs pour avoir cru pouvoir apporter ta contribution à l’information de l’opinion sur des pratiques huilées de corruption, pour une fois que tu tenais des preuves entre les mains.

Pour toi Bibi que nous connaissions honnête, respectueux de la vie privée des personnes, il est injuste que tu meures sous les affres de la torture du régime dont le discours t’a flatté, et trompe sur sa disposition à promouvoir la liberté de la presse, et toutes les autres libertés.

Tu meures, fauché par ceux dont le discours, loin des actes, laissait croire qu’ils veulent bien faire, mais qu’ils sont limités par des pesanteurs occultes. Ils sont eux-mêmes les monstres qu’ils disent combattre.

Bibi, tu meures en croyant être utile à un régime qui dit lutter contre la corruption, et auquel tu croyais sincèrement apporter ton aide.

Tu meures en fait parce que tu as été honnête de croire qu’il fallait recouper la source d’un document avant sa publication, en vue de confondre le mensonge, ou alors d’éclairer la lanterne du peuple pour lequel le régime prétendait lutter. Pour toi Bibi, qui ne pratiquais pas le journalisme-revolver, tu perds ta vie pour avoir voulu prouver ton sens de l’éthique.

Tu n’étais pas riche, mais ne mendiais jamais, ni ne marchandais la vérité. Tu restais digne. Tu aurais été comme d’autres, tu aurais simplement marchandé tes preuves contre une petite enveloppe, et le régime aurait été en paix, et toi Bibi serais reste en vie. Comme cela se passe depuis des décennies chaque fois qu’une vérité du système vient à être mise à nue.

Tu n’étais pas puissant, bien que tu aurais pu faire du trafic d’influence comme d’autres avec tes origines, et tu n’abusais pas de la force de ta plume pour salir injustement. Tu as cheminé petit à petit pout créer ton journal, par tes moyens, et fièrement.

Tu n’as jamais été extravagant ni trop volubile. Tu écoutais et interrogeais de ta petite voix, comme pour toujours tirer la vérité des faits de ton interlocuteur. Sans blesser, mais fermement.

Te voila Bibi, tel que nous t’avons connu.

Tu es donc mort assassiné, par ceux qui ont lancé un appel aux Camerounais pour les aider à lutter contre la corruption et l’impunité. Tu n’as pas compris que l’appel était un leurre, un attrape-nigauds, pour mieux frapper ceux qui allaient réellement montrer qu’ils ne sont pas les adeptes de la fourberie et du double jeu, de la médiocrité et du crime du régime. Tu as oublié que tu avais affaire a un régime qui a l’habitude, comme à Yoko en 2007, d’abattre jusqu’à 26 prisonniers même désarmés, comme des lapins, et d’exposer leurs corps comme du gibier, ensanglanté, sur le goudron de l’école de gendarmerie de Yaoundé pour traumatiser les velléitaires, tout cela en décorant les militaires de corps d’élite auteurs du massacre, des médailles de vaillance !

Il y a donc ici un crime aux multiples visages:

-          Une escroquerie politique aggravée

-          Un abus de confiance envers le Peuple

-          Un assassinat de plus, à rajouter à la longue liste de ceux dont ils ont programmé la mise a mort, pour la pérennisation de la colonisation du Kamerun, avec comme contrepartie leurs propres prébendes minables.

Ta mort, Bibi Ngotta nous touche beaucoup. Elle ne restera pas impunie.

Bernard Ndjemba Nyate *

(*) L’auteur de ce texte, qui par ce nom d’emprunt a tenu à garder l’anonymat, est actuellement haut cadre de la Fonction publique camerounaise, ancien militant upéciste devenu depuis des années membre du comité central du parti au pouvoir, le Rdpc. Il a tenu à faire ce témoignage sur ce journaliste qu’il a connu personnellement et dont il voulait souligner l’honnêteté.

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