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Publié par Enoh Meyomesse

enohmeyomesse.jpgUne décision politique extrêmement grave de conséquence pour le futur du Cameroun a été prise, tout récemment. Il s’agit de celle concernant l’installation, dans notre pays, des troupes militaires de l’Union Africaine, baptisées « FAA, Force Africaine en Attente »… C’est de cette manière que la « force licorne », c’est-à-dire l’armée française, et les troupes de l’ONUCI, qui ont délogé Laurent Gbagbo du pouvoir en causant la mort d’innombrables Ivoiriens, sont arrivées à Abidjan, pour « maintenir la paix »… Nous préférons que Paul Biya soit chassé du pouvoir par nous-mêmes, plutôt que par une armée étrangère. C’est une question de fierté nationale.

L’actualité brûlante en Afrique nous ramène à une réalité à la fois criarde et révoltante, à savoir, le retour de la canonnière dans les relations internationales.  Et du coup, gare au pays – ou à la population -qui ne le comprend pas, il – elle- en fera les frais un jour ou l’autre. C’est malheureusement la position dans laquelle le Cameroun est en train de s’installer, tout benoîtement, tout confortablement, obnubilés que le sont ses dirigeants par la préservation  de la « paix », un de leurs arguments politiques majeurs.

Au nom de celle-ci, le Cameroun va, de ce fait, se retrouver de nouveau en train d’héberger des troupes militaires étrangères sur son sol, 47 longues années après le départ des dernières troupes de ce type, à savoir l’armée française, c’est-à-dire en 1964, date à laquelle la base militaire de Koutaba était passée sous le contrôle de l’Etat camerounais. Le Général Sékouba Konaté, commandant de cette armée, vient de séjourner au Cameroun, dans l’indifférence générale de la population. Et pourtant, il est venu apporter la mort, en tout cas, des ennuis inouïs à court terme, aux Camerounais. Tout d’abord, souvenons-nous de ce que les forces militaires étrangères ont commis comme dégâts dans notre pays par le passé.

Les colonel Crest de Villeneuve et Lamberton en Sanaga-Martime de 1957 à 1960.

Dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 décembre 1956, devant l’obstination de Paris à  intégrer, coûte que coûte le Cameroun dans l’Union Française, autrement dit, à ne pas accorder l’indépendance au Cameroun conformément à l’accord de tutelle du 13 décembre 1946, l’Upc lance sa guerre de libération nationale, par des sabotages, notamment le déboulonnage des rails de la ligne de chemin de fer Douala/Yaoundé, la coupure de la ligne téléphonique entre les deux mêmes villes, mais aussi, des assassinats de candidats au scrutin décisif pour le Cameroun du dimanche 23 décembre 1956, ceux du Dr Delangue et de Samuel Mpouma, entre autre.

En réaction, le haut-commissaire de la République française en poste à Yaoundé, Pierre Messmer, fait appel aux troupes militaires françaises pour mater la « rébellion ». D’innombrables villages sont tout bonnement rayés de la carte par les colonel Crest de Villeneuve et Lamberton, deux durs en provenance d’Indochine. Naturellement, ils agissaient sous mandat de l’ONU, le Cameroun étant un territoire sous tutelle de cette organisation. Mi-1957, l’Ouest Cameroun, après la Sanaga-Maritime,  s’embrase et des opérations spectaculaires sont menées, telle l’assassinat de Samuel Wanko, député à l’Assemblée législative du Cameroun, ALCAM, au début du mois de décembre 1957.

Le 25 décembre 1959, soit à moins cinq jours de la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960, cette fois-ci c’est Ahmadou Ahidjo, second Premier ministre du Cameroun qui se rend à Paris, pour exiger du gouvernement français le maintien de ses troupes au Cameroun, par-delà l’indépendance, l’accession à la souveraineté internationale, et, bien mieux, un accroissement de celles-ci.  Le 15 janvier 1960, le Comité de défense français se réunit sous la présidence du général de Gaulle, président de la République en France, et procède à l’examen de la situation au Cameroun où, durant la période transitoire qui suit l’indépendance, les troupes françaises sont appelées à contribuer au « maintien de l’ordre » sous l’autorité du gouvernement camerounais. Un général français du nom de Briand est dépêché par Paris pour la circonstance.

Il débarque avec des bombardiers et se dirige tout droit dans l’actuelle région de l’Ouest. Son bilan, en terme de pertes en vies humaines ? Les intellectuels bamiléké avancent des chiffres astronomiques …. Il séjournera au Cameroun pendant six mois. Puis, des Camerounais, eux-mêmes, à savoir de jeunes diplômés d’Ecoles Militaires françaises, véritables continuateurs des militaires coloniaux français, ont pris la relève. Ils sont tous aujourd’hui, de vénérés généraux de l’armée camerounaise, cela va de soi, nul n’évoque plus ce passé dégueulasse….

L’ONUCI et la « Force Licorne » en Côte d’Ivoire : détruire et imposer un protége et obligé en toute « légalité ».

La Côte d’Ivoire voisine, vient, tout récemment, de faire les frais à son tour de la présence d’armées étrangères sur son sol. Tout d’abord, elle a payé, chèrement, la politique aveugle de Félix Houphouët-Boigny qui avait consisté à ne pas doter son pays d’une armée véritable, mais plutôt d’en confier la défense à l’armée française. En 2002, des rebelles, armés par des pays étrangers, et n’ayant en face d’eux aucune armée nationale digne de ce nom, ont déclenché la guerre en Côte d’Ivoire. Puis, sont arrivées la « Force licorne » et les troupes de l’ONUCI, en clair de nouvelles armées étrangères.

Et ce qui devait se produire se produisit. Elles ont pris ouvertement position pour les rebelles, au point où, l’ONUCI s’est mise à importer des armes du Tchad via le Cameroun. On s’en souvient, 26 conteneurs bourrés d’armes, au plus fort de la crise ivoirienne, ont en effet transité par Bertoua. Peu de temps après – simple coïncidence ? -, les rebelles ont lancé leur assaut final sur Abidjan. Pendant celui-ci, l’armée française a occupé l’aéroport de Port-Bouet, a bombardé la résidence du président de la République, a détruit la télévision gouvernementale, la RTI, etc, et, finalement, a capturé Laurent Gbagbo, au nom d’un mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unies, au même titre que Crest de Villeneuve et Lamberton bombardaient le Cameroun, de 1957 à 1960, à savoir en toute « légalité »… Combien y a t-il eu de morts dans ce coup d’Etat ? Quelle importance ? Ce qui compte plutôt, c’est que la Côte d’Ivoire soit de nouveau transformée en une sorte de territoire sous protectorat français, et son nouveau président, Alassane Ouattara, en une sorte de proconsul.

Demain, les soudards de l’Union Africaine, dénommés « mainteneurs de la paix », dans les rues de Douala.

Avant que ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire ne puisse se répéter au Cameroun, nous aurons d’abord à gérer la présence, sur notre sol, de soldats sur lesquels notre gouvernement n’aura aucune autorité. Comment seront punis ces militaires en provenance d’autres pays africains, pour tous les dégâts qu’ils commettront au sein de la population ?  Devant quels tribunaux seront-ils jugés ? Les gouvernements de leurs pays d’origine ne les protègeront-ils pas ? Nous voyons déjà combien la cohabitation entre nos propres soldats et la population civile est difficile, voir périlleuse pour cette dernière. Ils sont systématiquement couverts par leurs supérieurs hiérarchiques. C’est quotidiennement que les soldats du B.I.R. commettent des exactions dans les villes camerounaises. Pour que l’un d’eux se retrouve devant la barre, il faut qu’il commette une bévue monumentale, un crime de grande importance. Tant qu’ils ne se contentent que de bastonner des gens dans les bars à la moindre engueulade, qu’ils ne se contentent que de défigurer quelques prostituées, de casser quelques bras et quelques dents par-ci par-là, de refuser de payer le loyer à leurs bailleurs, rien ne leur arrive. Qu’en sera-t-il, demain, de ces super soldats étrangers annoncés dans notre pays ?

Une armée de sous-traitance pour l’OTAN

Qu’est-ce que la guerre ? C’est la continuation de la politique sous une autre forme. S’il y a guerre, quelque part sur le continent, c’est bien parce que la politique qui est menée à cet endroit est mauvaise. Voilà tout.
Il existe différents types de guerres en Afrique. Mais, pour la plupart, elles ont pour origine l’ingérence européenne, le désir de contrôler politiquement, économiquement et militairement tous nos pays, sans en laisser aucun. Il y a, de ce fait, tantôt révolte de la population, tantôt soutien – parfois même création de toutes pièces - de guérillas par des puissances étrangères à l’Afrique pour renverser des régimes en place indociles. Nous le voyons aujourd’hui avec la Libye. 

La question cruciale que les Africains – les Camerounais en tête - ne songent curieusement pas à se poser est pourtant la suivante : l’OTAN, Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, a été créée en 1949 pour combattre l’Union Soviétique et ses alliés. En réaction, l’Union Soviétique, de son côté, a créé, en 1955, une organisation militaire qu’elle a dénommée « Pacte de Varsovie », pour combattre, à son tour, les pays de l’OTAN.  Mais, la F.A.A., Force Africaine en Attente, qui est en train de voir le jour en ce moment et qui sera basée au Cameroun, elle, est créée contre qui ? Pour combattre qui ? Question cruciale, s’il en est.

En vérité, les puissances qui dominent le monde s’entendent pour écraser les autres pays. Et en Afrique, nous assistons, par conséquent, à une collusion entre elles, naturellement à notre détriment. Le combat pour la démocratie, n’est tout simplement qu’un paravent. Pis encore, il est dit de la F.A.A., que « cette force africaine a, entre autres, pour mandat, de conduire des opérations de maintien de la paix et de sécurité dans les zones en proie à des conflits sur le continent ».

Traduction, les Européens et les Américains ne désirent plus voir leurs soldats mourir en Afrique, lorsque leurs intérêts stratégiques, politiques, économiques, sont menacés. Il s’agit, pour eux, de confier désormais cette mission de préservation de leurs intérêts sur notre continent aux Africains transformés ainsi en véritables chiens de garde de la fortune des autres. En d’autres termes, la F.A.A. est conçue pour jouer le rôle de force de sous-traitance militaire pour l’OTAN. Nous sommes ainsi revenus à l’époque coloniale, pure et simple, où c’étaient les « tirailleurs » noirs enrôlés dans les armées des Européens, qui menaient la guerre contre leurs propres populations, « maintenaient l’ordre » au bénéfice de Paris, Bruxelles, Berlin, Lisbonne et Londres… Que nous reste-t-il à dire ? Sinon, vive les « indépendances » proclamées avec pompe tout au long de 1960 !

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